Le métier d’artiste fait rêver. Mais il entraine aussi dans son sillage tout un tas de fausses croyances et de mythes plus ou moins négatifs. Ça ne serait pas un problème si de nombreu·x·se·s artistes n’en faisaient pas une prophétie autoréalisatrice qui nuit terriblement à leur avancée dans le monde de l’art et à leur capacité à vivre de leur business créatif.
Du coup, aujourd’hui, j’ai envie de démonter avec vous toutes les croyances sur le métier d’artiste pour retrouver un mindset sain et vivre de son art sereinement quand on est artrepreneuse.
1 – Les artistes sont pauvres
Ce que ça veut dire :
Être artiste ça ne paye pas car l’art n’a pas de prix. Et si tu décides d’essayer de vivre de ta passion, il ne faudra pas venir te plaindre si tu crèves de faim.
Pourquoi c’est un problème ?
Parce qu’en ne montrant que des artistes précaires, pauvres et qui galèrent, les jeunes illustratrices qui arrivent sur le monde du travail ne sont pas surprises par les tarifs ridiculement bas qu’on leur propose.
Enfin… Je veux dire quand on n’offre pas de les payer en “visibilité”.
Elles se disent “déjà bien contente d’avoir des clients”. Et, en travaillant à bas prix (ou PIRE, gratuitement), elle perpétuent le mythe, s’essoufflent et, dans le pire des cas, perdent la passion qui les anime.
Et en plus c’est faux !
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. C’est effectivement un métier qui EST précaire et de nombreu·x·se·s artistes luttent et travaillent d’arrache-pied pour joindre les deux bouts.
Mais il est également possible de vivre de son art si l’on fait les bons choix et qu’on multiplie les sources de revenus. Et nous avons la chance de vivre à une époque où Internet nous le permet, alors il n’y a aucune raison pour que vous vous couliez dans le moule de ce cliché populaire.
2 – Les artistes sont bordéliques
Ce que ça veut dire :
Aaah, les artistes… Elles sont sympas, un peu fofolle, un peu tête en l’air… Tenir un pinceau ça va, mais gérer l’administratif : bonjour les dégâts ! Entre les feuilles de l’Urssaf froissées dans un coin, les déclarations de revenu éparpillées partout dans l’atelier et les factures clients en retard, on n’a pas le cul sorti des ronces.
Pourquoi c’est un problème ?
Encore une fois, c’est un problème pour vivre de son art. Parce que si on se met cette idée d’office dans la tête, ça va nous empêcher de progresser. Effectivement, les personnalités créatives ont peut-être plus de mal à s’astreindre à l’ordre. Mais ce n’est absolument pas une fatalité !
Et se trouver des excuses comme “J’ai oublié de faire ma déclaration d’impôts, mais c’est pas ma faute, c’est parce que je suis bordélique”, ce n’est pas ça qui vous empêchera d’avoir une énorme pénalité quand l’administration fiscale vous aura retrouvé.
Et elle vous retrouvera. Les impôts vous retrouvent toujours.
Et en plus c’est faux !
Car je vais être claire. Aujourd’hui, il est impossible d’être une artiste qui réussi si on est pas un minimum organisée. Il faut appliquer à sa carrière artistique la même rigueur qu’à n’importe quel autre boulot.
Les artistes doivent faire leur comptabilité, payer leurs charges, gérer leur communication sur les réseaux sociaux, trouver de nouveaux clients ou de nouvelles clientes… Tout un tas d’activités annexes à la création proprement dite et pourtant qui sont essentiels pour vivre de son art.
3 – Les artistes qui réussissent à vivre de leur art sont des “vendus”
Ce que ça veut dire :
Pour être une “vraie artiste”, il faut en chier. Et si tu t’éclates dans ton boulot et que tu rencontres le succès, c’est que tu n’es pas VRAIMENT une artiste.
Pourquoi c’est un problème ?
C’est un problème parce que ce mythe sous-entend que si on vit une carrière artistique florissante, on fait de l’art “commercial”. Et l’art commercial, c’est MAL.
C’est mal car l’artiste ne serait pas sincère si il ou elle créait pour plaire à son public plutôt que par besoin de créé. Par conséquent, chez les artistes qui rencontrent un certain succès, ce mythe peut provoquer la perte du sentiment de légitimité (“qui suis-je, après tout, pour créer ?”) ou même pire : un bon gros syndrome de l’imposteur.
Ce dernier se traduit par l’impression qu’on ne mérite pas notre succès et qu’on est pas à notre place. Et même qu’on est pas un artiste du tout si on arrive à vivre de son art, en fait.
Et en plus c’est faux !
Vous savez ce que je crois ? Je pense que ce mythe de “l’artiste vendu” a été inventé par des collectionneurs qui voulaient payer moins cher les œuvres devant lesquelles ils bavaient. Car rabaisser l’artiste, la faire doute de sa valeur, c’est rabaisser aussi son travail.
Mais pourquoi ?!
Dans n’importe quel autre corps de métier, si un produit fonctionne bien, on augmente son prix, sans remettre en question l’intégrité ou les valeurs de son créateur ou de sa créatrice. Ça devrait être pareil pour l’art.
4 – L’art qui plait n’est pas vraiment de l’Art
Ce que ça veut dire :
Ca veut dire que si vos œuvres rencontrent le succès, c’est qu’elles ne sont pas assez complexes pour être des œuvres d’art. Elles sont mainstream. Et ce qui est mainstream, on peut le facturer moins cher !
Pourquoi c’est un problème ?
C’est un problème parce que déjà, c’est une vision très élitiste de l’Art. Si on pousse la logique plus loin, plus une œuvre sera laide, moins elle plaira et plus elle vaudra cher ? C’est très tordu comme raisonnement !
Et en plus, c’est faux !
Très bien, continuons à suivre ce raisonnement et prenons par exemple les chansons de U2 ou de Beyonce. Elles font danser le monde entier depuis des générations. Leurs albums ont été vendus à des millions d’exemplaires. Du coup, ce n’est pas de l’Art ? Bono et Beyonce ne sont pas des artistes ? Bien sûr que si !
Et bien c’est pareil pour vous. Ne laissez personne vous dire que votre art est “trop populaire” pour valoir cher. Il n’y a qu’une personne habilitée à fixer un prix à votre travail, et c’est vous.
5 – Les artistes travaillent par amour de l’art, pas pour l’argent
Ce que ça veut dire :
Puisque les artistes sont motivés uniquement par la passion, c’est déjà une fleur de les faire travailler. Alors quel besoin de les PAYER en plus ? C’est si vulgaire de parler d’argent avec un·e artiste… Vivre de son art ? Quelle plaisanterie !
Pourquoi c’est un problème ?
Parce que ce mythe est à la base de l’idée que les artistes n’ont pas besoin d’être rémunéré·e·s pour le travail fourni. C’est donc la base de toutes sortes de dérives : concours sans autre lot que “faites notre pub gratuitement”, marques qui veulent “payer en visibilité”, évènements (par exemple des festivals) où “il n’y a pas de budget pour une illustratrice”…
Par conséquent de nombreux artistes finissent par travailler gratuitement simplement pour se faire connaitre. Mais aussi parce qu’iels commencent à culpabiliser de vouloir être payé·e·e pour leur travail. Après tout, c’est leur passion non ? Ça devrait leur suffire !
Et en plus c’est faux !
Depuis des centaines d’années, les artistes sont payés pour leur art. Vous croyez que Michel-Ange a passé quatre ans de sa vie à peindre la chapelle Sixtine par amour de l’art ?
Ben non. Il avait été engagé pour ça. Payé.
Et la Joconde, de De Vinci ? Pareil, c’était une œuvre de commande.
Alors pourquoi de nos jours un·e artiste ne pourrait pas vivre de son art ? Doit-iel payer son loyer en “amour de l’art” ? Ses factures en “visibilité” ?
NON ! Si vous travaillez, même si vous kiffez votre travail, vous méritez de l’argent. ASSEZ d’argent pour vivre de votre art dignement.
6 – Les artistes sont incapables de vendre leur art par eux mêmes
Ce que ça veut dire :
“Ah la la… Ielles sont mignon·ne·s ces artistes, mais on ne peut pas les laisser sans surveillance. Car ielles sont tellement naï·f·ve·s qu’ielles se feraient avoir par le premier venu.”
Pourquoi c’est un problème ?
C’est un problème parce que ça sous-entend que les artistes ne savent pas se promouvoir et sont incapables de faire autre chose que de gentils petits dessins (ou de jolies petites mélodies). Par conséquent, il leur faut un protecteur ou une protectrice : un·e mécène, un·e collectionneu·r·se…
Mais le problème avec cette idée reçue, c’est qu’elle implique que nous soyons toujours dépendant·e de quelqu’un d’autre pour être connu·e, reconnu·e et que notre travail soit apprécié à sa juste valeur. Elle implique que nous devons attendre un sauveur ou une sauveuse.
Et en plus, c’est faux !
Si vous fréquentez des artistes, vous savez que c’est faux. Que pour vivre de son art, il faut savoir à la fois être son ou sa propre impresario, agence de com’, rédac chef… Et parfois même monteur vidéo, ingé son ou encore attaché de presse.
Alors certes on peut déléguer ce qui nous pèse, mais au début, on n’a pas forcément les moyens.
Alors bien sûr qu’on en est capable !
7 – Les artistes ont une hygiène de vie déplorable
Ce que ça veut dire :
Un·e artiste ça vit la nuit, ça consomme de la drogue, boit de l’absinthe et fume trois paquets de cigarettes par jour. Par ce qu’un·e artiste, ça SOUFFRE, OKAY ?! Prendre une douche ? C’est pour les faibles.
Pourquoi c’est un problème ?
Parce que ça sous-entend qu’on ne peut être un·e vrai·e artiste que si on a un “lourd passé”, des traumas bien enfouis et une forte dépression, agrémenté·e·s d’addictions divers. Par conséquent, l’art qu’on produit ne peut (et ne doit) être qu’à propos de cette souffrance.
C’est un problème parce que ça encourage les jeunes artistes en quête de légitimité à se couler dans le moule de ce cliché pour être de “vrai·e·s” artistes.
Et en plus c’est faux !
Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai jamais réussi à écrire ou dessiner bourrée/épuisée/déprimée. Pour créer, j’ai besoin d’un environnement que je considère comme “safe”. Par exemple, mon chez moi, où je ne risque pas d’être interrompue.
Je ne peux pas créer non plus quand je ne vais pas bien. Je trouve tout nul, j’ai une estime de moi proche du néant… Bref, ce n’est pas le meilleur moyen DU TOUT pour moi de créer des œuvres de qualité.
8 – L’art et les artistes sont “non essentiels” à la société
Ce que ça veut dire :
“Ça va, ils ne font que de petits dessins, ce n’est pas comme si ielles sauvaient des vies non plus hein !”
Pourquoi c’est un problème :
Au printemps dernier, le journal Straits Times a publié deux listes. D’un côté celle des cinq emplois les plus essentiels à la société. De l’autre, les cinq emplois les plus inutiles.
Et devinez quel est le “métier le plus inutile” du classement ? Bravo vous avez deviné ! C’est le métier d’artiste !
Voilà qui va provoquer de bien beaux syndrome de l’imposteur chez tou·s·te·s les artistes débutant·e·s qui pourraient tomber sur ce sondage… Car déjà il est difficile de donner un prix à son art dans lequel on a mis tant de sa personne. Mais en plus, puisque c’est un métier inutile, comment pourrait-on avoir le culot de vouloir être payé·e pour le faire et de vivre de son art ?
Et en plus, c’est faux !
Je ne sais pas vous, mais moi, depuis le premier confinement, je me réfugie… Dans l’art, quelle surprise (non) ! Les séries, les livres, les films, la musique, les jeux vidéos… Ce qui me manque le plus en ce moment, ce sont les musées, l’opéra, le cinéma, le théâtre…
Et je sais que c’est pareil pour beaucoup de monde.
Vous imaginez une société sans art ? Elle serait grise et beige, sans joie. Car c’est notre capacité à embellir le quotidien qui fait de nous des humain·e·s.
Par ailleurs, nous vivons dans une société de l’image. Les articles si sérieux des journaux, qui les liraient s’ils n’étaient pas illustrés ? Et d’ailleurs, à qui croyez vous qu’on avait demandé des illustrations pour agrémenter ce fameux sondage ?
Alors la prochaine fois qu’on vous dira que les artistes ne sont pas essentiels, gardez ça en tête : c’est nous qui rendons le monde plus beau. Et nous méritons de pouvoir vivre de ce métier.
Voilà, c’étaient les 8 mythes sur l’art et les artistes à combattre d’urgence pour pouvoir vivre de votre art.
Vous en voyez d’autres ? N’hésitez pas à me les signaler dans les commentaire !