Si vous êtes arrivé-e-s sur cet article, c’est probablement parce que vous êtes artiste, peintresse, illustratrice… Et que vous avez été interpellé·e par le titre.

Et là je sais ce que vous vous dites : « La meuf est folle. Si j’avais un superpouvoir je serais au courant !».

Et pourtant, vous en avez bel et bien un !

Et oui, vous avez en effet le superpouvoir de changer le monde grâce à vos dessins.

Comment ? Grâce à l’art engagé.

C’est quoi l’art engagé ?

L’art engagé n’a pas pour but d’être simplement « beau ». Il est créé spécifiquement dans le but de dénoncer les injustices et les oppressions, pour défendre une cause en particulier ou encore pour combattre les problèmes de la société.

L’art engagé cherche donc avant tout à faire passer un message. Il n’existe ainsi pas pour lui-même mais soutient, dénonce, combat, met en lumière des injustices ou des inégalités.

A chaque époque ses combats. Par exemple, en ce début de 21^e siècle, on pourrait citer le féminisme, l’écologie et l’antiracisme comme étant les grandes causes dominantes.

Quel est votre pouvoir secret d’illustratrice ?

Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps. Ainsi, en tant qu’artiste, votre super pouvoir, c’est vos œuvres. Vos dessins si – comme moi – vous êtes illustratrice.

Car, par extension, être une illustratrice engagée ça veut dire décider de combattre ce qui vous révolte dans le monde d’aujourd’hui grâce à vos dessins. C’est défendre vos idéaux et vos valeurs. Ouvertement ou de manière implicite, c’est vous opposer aux oppressions.

C’est dessiner de manière consciente, pour que vos illustrations n’y participent pas et ne blessent personne. C’est créer des œuvres qui disent à tous et toutes : « Vous avez une place dans le monde ».

Le dessin comme super-pouvoir

Je ne dis pas que vos illustrations (ni les miennes) vont changer la face de la Terre en un claquement de doigt. Mais simplement qu’à notre échelle, nous pouvons montrer que nous sommes en désaccord avec certaines choses. Car nous vivons à une époque où, grâce à internet, nous avons toutes et tous un espace d’expression. Nous pouvons y faire entendre notre voix, un dessin après l’autre, une illustration à la fois.

En ce qui me concerne, je l’affirme, je suis féministe, écolo, antiraciste.

Je le dis, je l’affiche. Et rien que ça, c’est déjà beaucoup.

Rien que ça, c’est déjà dire aux oppresseurs : « Nous sommes nombreu·x·ses. Nous ne sommes pas d’accord. ».

C’est dire à celles et ceux qui parlent plus fort que nous pour défendre les mêmes causes : « Je vous soutiens ».

C’est montrer à celleux qui n’osent pas encore parler : « Vous n’êtes pas seul·e·s. Je porte votre voix jusqu’à ce que vous ayez la force de le faire vous-même. »

Et là vous vous demandez « Elle est bien gentille elle, mais concrètement, comment créer des œuvres d’art engagé quand on est illustratrice (ou illustrateur je ne suis pas sectaire)? ».

« Que puis-je réellement faire, moi qui ne suis qu’une « simple » illustratrice ? »

Comment être une illustratrice engagée à travers ses œuvres ?

Tout d’abord, vous n’êtes pas qu’une « simple illustratrice » comme vous dites

(Comment ça c’est moi qui l’ait dit ?).

Car si vous dessinez pour vivre, vous n’êtes pas sans savoir que TOUT est dessin.

L’illustration est littéralement partout.

Et ne dit-on pas que « un petit dessin vaut mieux qu’un long discours » ?

Eh oui ! Le dessin et l’illustration permettent de faire passer les messages bien plus facilement que le texte ou la parole ! Pourquoi croyez-vous qu’on l’utilise dans la publicité depuis aussi longtemps ?

Alors prenez des notes car voici quelques pistes à explorer pour créer de l’art engagé.

1 – Diversifier ses personnages

La très (très) (TRÈS TRÈS) grande majorité des héros de bande-dessinée les plus populaires sont des hommes blancs (coucou Tintin, Astérix, Obélix, Gaston Lagaffe, Corto Maltese, Largo Winch et les autres !).

Alors augmenter la diversité des personnages qu’on représente est effectivement un acte artistique engagé. C’est ce qu’on appelle la représentation.

Ainsi, en tant qu’illustratrice, n’hésitez pas à dessiner des personnages de genres, de sexes, d’âges et d’origines ethnique et/ou religieuse différentes.

2 – Sortir des stéréotypes

Ne réduisez pas vos personnages à des stéréotypes sexistes et/ou racistes. Non, toutes les femmes ne sont pas blondes à forte poitrine, tous les gays ne sont pas efféminés, tous les noirs ne vivent pas en Afrique.

De même, représenter vos personnages divers dans des situations de pouvoir. Dans des métiers où on ne les attend pas.

Vous n’avez pas idée à quel point c’est important. Car les images d’aujourd’hui ont le pouvoir de créer une réalité différente demain.

3 – Donner de la visibilité à toutes et tous : « normaliser » l’illustration.

Il y a quelques temps, j’ai lu L’Année du Oui, de Shonda Rhimes. Si vous ne la connaissez pas, il s’agit de la géniale créatrice de – entre autres – la série Grey’s Anatomy. Pour elle, inclure des personnages très différents dans ses shows, ce n’est pas faire entrer la « diversité » à la télé. C’est juste la « normaliser », la rendre réellement identique à la société.

« Je déteste le mot “diversité”, ça laisse entendre quelque chose… d’autre. Comme si c’était quelque chose de… spécial. Ou de rare. Comme s’il y avait quelque chose d’inhabituel à raconter des histoires à la télévision avec des femmes, des personnes de couleur et des personnages LGBTQ. J’ai un mot différent : normaliser. Je normalise la télé. ».

Alors dans vos illustrations, donnez de la visibilité à toutes les orientations sexuelles, à toutes les formes de corps, à toutes les couleurs de peau.

Mais être engagé, c’est aussi donné une visibilité à tous et toutes, surtout si les « différences » de vos personnages ne sont pas un levier de l’histoire. Pas besoin d’écrire une BD militante pour montrer qu’on a toutes et tous notre place dans la société.

A lire si ce n’est déjà fait : Les Culottées, tomes 1 et 2 de Pénélope Bagieu.

4 – Inventer de nouvelles histoires

Être une illustratrice engagée, c’est aussi raconter de nouvelles histoires. Montrer des femmes dans des activités dites « masculines ». Montrer des personnes racisées dans des positions sociales élevées. C’est raconter des histoires d’amour non hétéro. Des personnages gros dont le poids n’est pas un sujet. Des vieilles dames qui s’éclatent dans des récits où leur âge n’est pas évoqué…

Si vous voulez lire un exemple, dévorez Le Vrai Sexe de la Vraie Vie, tomes 1 et 2 de Cy.

5 – Se faire l’écho de la parole des concerné·e·s

Mais faire de l’art engagé quand on est illustratrice, c’est aussi se faire l’écho et le porte-voix des concerné·e·s (attention : pas le porte-parole. Le porte-voix). C’est raconter les scandales, les horreurs, les malheurs pour que l’histoire ne soit pas oubliée. Deux bandes-dessinées récentes me viennent à l’esprit pour illustrer mon propos :

• Libres, de Diglee et Ovidie
• Tropiques Toxiques, de Jessica Oublié, Vinciane Lebrun, Nicola Gobbi, Kathrine Avraam

6 – Créer notre réalité rêvée.

Enfin, être une illustratrice engagée, c’est avoir le superpouvoir de créer notre réalité rêvée.

Et comme disait l’oncle de Spiderman : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».

Alors n’hésitez pas à rêver.

A donner la parole à ceux et celles qui ne l’ont pas.

Criez que vous n’êtes pas d’accord.

C’est votre responsabilité.

Petit à petit, nos dessins montreront à toutes et tous qu’un monde meilleur est possible.

Et vous connaissez le dicton non ?

A partir du moment où l’on est assez nombreu·x·ses à rêver, ce n’est plus un rêve mais une réalité.

Et vous, de quelle manière vous engagez-vous à travers votre art ?

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